Analyse d’articles web sur le fonctionnement spécifique des recommandations sur Spotify

Source : Les algorithmes de recommandation musicale : ne bougez pas, on s’occupe de tout – CASSANDRE TARVIC – 2018

Spotify propose les Découvertes de la Semaine. C’est The Echo Nest qui a créé cet algorithme. Les plateformes de streaming accordent une grande importance au fait de pouvoir « deviner », prédire, les morceaux qui vont plaire à un utilisateur. Et les recommandations de Spotify via les découvertes de la semaine sont satisfaisantes pour les utilisateurs.

« L’outil Premier de Spotify » met en avant les « précurseurs », c’est à dire les 10% des personnes qui ont écouté l’artiste avant qu’il soit connu, ce qui invite et incite les utilisateurs à la découverte. C’est argument contre celui qui prône le manque de diversité dans les découvertes et dans les usages des utilisateurs.

Source : Où se cache la magie des algorithmes de recommandation musicale ? – Olivier Desbiey – 2016

Quartz Adam Pasick a enquêté auprès des ingénieurs qui gèrent le fonctionnement du système de recommandation de Spotify (Découverte de la Semaine) :

  • Un « profil de groût » est associé à chaque utilisateur, en fonction de ses écoutes et de ses sauvegardes.
  • En parallèle, il y a une analyse des playlists créer (environ 2 milliards) par les utilisateurs (collaborative filtering).

L’algorithme propose ainsi des morceaux qui se rapprochent des écoutes de l’utilisateur, mais qui n’ont pas encore été écouté par lui. C’est donc un gros travail de classement des utilisateurs en fonction de leur playlists.

Les responsables de la plateforme précisent aussi qu’ils ne font jamais de recommandations en fonction des demandes des artistes et des labels, même s’ils tentent très souvent de faire en sorte qu’un artiste ou un morceau soit appuyé dans les recommandations faites aux utilisateurs.

5% des utilisateurs de Spotify pensent que les recommandations sont personnalisées par des données contextuelles (ex : localisation). C’est cohérent, dans le sens où les ingénieurs responsables du système de recommandation précisent que l’algorithme qui est utilisé exclus volontairement des écoutes atypiques. Par exemple, si quelqu’un écoute une bande son de pluie en forêt pour s’endormir, il ne doit pas voir dans ses découvertes de la semaine des morceaux de ce type, même si l’heure d’écoute est une information utile à l’algorithme.

Source : Parlons recommandation : Partie 1 / Comprendre les modèles – Lisa Pujol – 2018 et Parlons recommandation : Partie 2 / Le modèle Spotify – Lisa Pujol – 2018

Tous les systèmes de recommandation basent leur méthode sur l’analyse d’interaction. Spotify utilise :

  • Le « collaboratif filtering » : mettre en cohérence les contenus en fonction de si les utilisateurs ont « vu/écouté/lu/acheté l’un et l’autre ». L’auteur prend l’exemple de recommandation de films : si un utilisateur à aimé le film A et le film B et qu’un autre utilisateur à aimé le film A aussi, on lui proposera de regarder le film B. C’est un système souvent utiliser pour proposer des produits complémentaires (cross-selling). Par exemple, proposer « une housse d’ordinateur à l’achat d’un mac ». Spotify utilise les données des utilisateurs qui concernent la navigations, l’écoute et les playlists. Le système de recommandation de Spotify déduit que deux utilisateurs ont des goûts similaires s’ils écoutent les mêmes morceaux. Donc ce qu’écoute l’un peut intéresser l’autre. Donc, si l’un écoute une chanson en plus de celles qu’ils ont en commun, Spotify recommandera à l’autre profil ce même morceau, et inversement.
  • Le « content-based filtering » : mettre en lien des informations sur les contenus des produits. Le but est de proposer des produits qui se rapprochent caractéristiquement des produits déjà aimés. Ce sont les caractéristiques des produits qui sont analysés. Le content-base filtering se base à la fois sur :
    • Une analyse textuelle : ce qui se dit de l’artiste, album, à quelle fréquence, de quoi on parle d’autre en même temps, etc. ==> « top terms » avec des poids différents selon la probabilité d’utilisation du terme en question pour qualifié l’artiste ou le morceau.
    • Une analyse sonore : rythme, tempo, niveau de basses … Le but est de données des caractéristiques à un contenu. L’avantage de cette méthode, c’est que ça évite la discrimination et la redirection automatique vers des contenu déjà connu. Par exemple, si un artiste peu connu cumule 50 écoutes, l’analyse textuelle et le collaboratif filtering ne serait pas suffisant pour faire augmenter le nombre d’écoute (peu de « match » probables entre les utilisateurs et peu de données textuelle sur internet sur l’artiste ou le morceau). Alors que si on ajoute l’analyse sonore, la chanson de l’artiste peu connu a autant de chance d’être ajoutée dans une playlist qu’une chanson connu.

Commentaire d’entretien – Simon (28/07/2019)

Simon écoute de la musique tous les jours de la semaine, lorsqu’il travail, en passant par Spotify avec la version payante, principalement via son smartphone. Spotify est presque son outil exclusif pour écouter de la musique, il n’utilise presque pas d’autres outils. 

Il créé ses propres playlists en s’inspirant des playlists proposées par Spotify pour ajouter ensuite les musiques qui l’intéressent dans ses propres playlists. 

Au niveau des recommandations, Simon s’en sert pour alimenter ses playlists. Pour créer une playlist, il sélectionne un morceau, qui est représentative du thème qu’il souhaite pour sa playlist. Il utilise ensuite l’outil “ajouter” pour visualiser les morceaux que Spotify lui propose, pour les ajouter ensuite. Au fur à mesure, il peut actualiser pour que les recommandations qui lui sont faite se basent sur les morceaux ajoutés entre temps. 

Spotify lui permet aussi de découvrir les nouveaux albums, par les notifications, qui le tiennent au courant des nouvelles sorties. Simon apprécie également le fait que Spotify lui propose des musiques qu’il ne connait pas, qui ont le même style que les musiques qu’il aime. Ça lui permet de découvrir toujours des nouveaux morceaux. 

Il reconnait que s’il étaient plusieurs sur son compte, les recommandations ne seraient pas satisfaisantes. Mais comme il ne l’utilise que personnellement, les recommandations tombe pile poil dans ce qu’il attend, puisque ce sont ses goûts à lui seulement qui sont pris en compte. Les recommandations sont fidèle au type de musique qu’il aime. 

==> Du coup, il y a un effet restrictif, dans le sens où il reste dans le même style (métal), alors qu’il pourrait découvrir d’autres style, comme du reagga, de la pop, etc. Mais ça reste dans ses goûts, donc il est satisfait.

==> Est-ce que les peu de fois où il n’est pas satisfait (les fois où il n’utilise pas une recommandation en particulier, les fois où il sélectionne un titre pour alimenter sa playlist, mais pas un autre), c’est pas parce qu’il ne connait pas, justement, donc ne veux pas s’aventurer ?

Au niveau du partage de ce qu’il écoute, Simon est plutôt dans le partage en direct avec ses amis. Il ne partage pas ce qu’il écoute sur les réseaux sociaux de type Facebook, etc. Par contre, il a un réseaux social Discord qu’il utilise. Il le définit comme un « Skype pour les gamers » et il voit ce que ses amis qui sont connectés font. Par exemple, il voit s’ils écoutent Spotify, s’il jouent à tel jeu, etc. Si un ami est entrain d’écouter Spotify, il voit ce qu’il est en train d’écouter (quel morceaux, quelle playlist). Ce système lui permet de s’inspirer et de découvrir de ce que son entourage (ses amis) écoutent. Il ne s’inspire pas d’une personne en particulier, il est curieux de voir ce que l’ensemble de ses amis écoutent et découvre ainsi des morceaux ou des artistes. 

==> Restriction des possibilités de découverte par le fait que tous ses amis écoutent à peu près le même style de musique.

Simon apprécie chez Spotify le fait qu’il puisse relier sa pratique d’écoute avec d’autres applications, comme ci-dessus avec Discord

La chose la plus intéressante pour Simon avec Spotify, c’est le fait qu’il puisse avoir ses playlists à disposition partout où il va, tout en ayant la possibilité de passer d’un appareil à un autre. c’est aussi le rapport qualité prix : pour lui, 10€ par mois pour avoir accès à autant de musique, sachant qu’il y a au moins un album par mois qui sort (dans le style de musiques qui l’intéresse).

Fiche de lecture – Volume, vol. 14:1, no. 2, 2017 – Du charivari au big data. Les musiques populaires au prisme des sound studies‪ – ‪Entretien avec Jonathan Sterne‪

Pour alimenter mes recherches sur les pratiques d’écoute de la musique et plus particulièrement sur les recommandations sur la plateforme de streaming musical Spotify, étudier ce numéro de la revue Volume, intitulé Varia me semble intéressant.

Cet article sera une fiche de lecture (ou comme une liste de choses à retenir) de l’article Du charivari au big data. Les musiques populaires au prisme des sound studies du no. 2, 2017 de la revue Volume, de Jonathan Sterne, Jedediah Sklower et Guillaume Heuguet. Les éléments dans cet article qui sont mis en avant sont en rapport avec mon sujet d’étude qui porte sur l’utilisation des recommandations dans la pratique d’écoute de musique sur la plateforme Spotify.

Questions de méthode

L’apport de l’économie politique de la communication

Les principes de pouvoir et de financement sont importants dans le développement des technologies. De façon classique, le pouvoir c’est quelque chose qui appartient à quelqu’un et pas à d’autres.

Méthode utilisée : l’observation participante.

Pour John Mowitt, en parralèlle du développement de la réduction du bruit, se sont développé les amplificateurs et autres sources de bruits instrumentaux. La nostalgie du passé, les souvenirs font qu’une technologie ne sera jamais épuisée.

Le peuple, l’écoute, le bruit

Écrire l’histoire culturelle de l’oreille populaire

Lorsqu’on étudie l’époque contemporaine, il y a possibilité de se référer à des témoignages. Plus l’époque étudiée est lointaine, plus il est difficile de trouver des ressources.

Jonathan Sterne trouve intéressant de souligner le fait que les audiophiles écoutaient de la musique populaire, pas de la musique « légitime ».

Médiation technologique et affects

Les médiations technologiques sont très importantes. « Un auditeur ne supporterait pas que l’on rejoue en permanence, devant lui, au piano, la même chanson. Mais, il la tolère, et éventuellement y prend un certain plaisir, lorsqu’elle passe à la radio pendant tout le temps de son succès. » (1991 : 196) : ça peut être vu comme une critique de l’aliénation de la médiation technologique. ça peut aussi être vu comme le fait qu’on puisse écouter un morceaux autant qu’on le souhaite et y prendre du plaisir. Le fait d’écouter un morceau en boucle nous fait le connaitre comme un film vu et revu, un livre lu plusieurs fois, etc.

Pour James Carey, la dimension rituelle, c’est le fait que ce soit répété, qui n’est pas qu’une transmission d’idée, mais c’est aussi une sensation, une façon de se comporter et d’appartenir à quelque chose.

Production / reproduction

L’enregistrement comme source

A chaque époque son style. Ces styles mobilisés peuvent être analysés sans qu’ils soient pour autant totalement représentatif de l’esprit d’une époque.

Notre époque est esthétiquement définie par le fait de reproduire le style d’autres époques, appelé par Jonathan Sterne « l’effet Lenny Kravitz ». Plusieurs époques peuvent être représentées en un seul morceau, de façon nostalgique.

Pour Jonathan Sterne, la « cuisson » d’un morceau, c’est le moment où le son sort des baffes, des écouteurs, d’une chaîne, etc. C’est le traitement du signal.

L’esthétique de la compression

Si le son ressemble trop à la réalité, les gens trouvent ça bizarre. c’est pourquoi le son est compressé. Autre élément intéressant : plus c’est fort, plus les gens ont tendance à écouter.

Au niveau du développement de la technologie musicale, pour beaucoup, ce sont les praticiens qui les ont découvert et ensuite la technologie qui les a rattrapé, plus que l’inverse. Par exemple : Jimmy Hendrix et le Larsen, le sustain infini, etc.

La base de la découverte, c’est de la bricole, qui est simplifié par la technologie pour être appropriée par tout le monde.

Cette reproduction technologique (dans le sens indiqué au dessus) est très importante dans le style sonore des musiques populaires.

Politiques de la musique numérique

Streaming, compression sonore et big data

Les plateformes de streaming utilisent des formats compressés. Economiquement et juridiquement, le streaming rend la musique utile : les gens sont prêts à payer pour un service plutôt que pour des enregistrements.

Il y a d’un côté l’abondance des métadonnées et de l’autre des informations intéressantes pour les usagers qui se font rare. Alors que si l’information est utile au détenteur des droits, là, elles sont nombreuses.

Jonathan Sterne explique qu’il ne veut pas spécialement montrer à tous ses goûts, ni que ses pratiques d’écoute soient suivis à la trace, etc.

D’après des recherches sur les pratiques d’écoute de certains jeunes sur Spotify, certains décochent l’option qui permet de publier ses goûts sur les réseaux sociaux.

Est-ce que les analyses d’audiences sont significatifs sur les publics ? Est-ce que les statistiques sur les téléchargement, sur le streaming, nous apprennent des choses sur les auditeurs ?

Copyright et politique culturelle

Nous n’avons jamais écouté autant de musique qu’aujourd’hui. Nous avons accès à plus de musique aujourd’hui que dans toutes les autres époques.

Le contrat d’utilisateur que l’on coche stipule qu’on ne possède pas la musique qu’on achète. C’est encore plus explicite sur les sites de streaming : on paye un abonnement pour avoir accès à la musique. En droit, c’est une régression pour la protection des artistes, pour la propriété intellectuelle.

Fiche de lecture – Culture prospective, vol. 1, no. 1, 2007 – Musique enregistrée et numérique : quels scénarios d’évolution de la filière ?

Nous allons tenter de faire une fiche de lecture de cet ouvrage de Marc Bourreau, Michel Gensollen et François Moreau. Nous tenons donc à préciser que les propos sont interprétés mais que nous allons de façon générale résumer les propos des auteurs. Nous tenons également à préciser que l’ouvrage date de 2007. Les propos ne sont pas précisément appropriés aux pratiques d’aujourd’hui, mais la vision futuriste de l’article est intéressante par rapport à la situation actuelle.

La musique enregistrée est « l’ensemble du système social, réglementaire, technique et économique qui met en rapport une offre musicale originale avec des consommateurs qui sont disposés à l’écouter ». Cette filière est en mutation, que nous pouvons appeler « révolution numérique ». Ces mutations se font de la création à la diffusion au consommateur. A travers des entretiens avec plusieurs corps de métiers, ils tentent de comprendre comment ces acteurs font face à cette mutation.

Les fichiers informatiques peuvent être facilement reproduits pour presque rien. Les équipements de copie étant accessible à presque tout le monde, la transmission de fichier se fait d’utilisateurs en utilisateur sans que ça ne coûte quoi que ce soit. Tous ces dispositifs permettent la diffusion universelle de la musique et des images animées. Le fonctionnement traditionnel des marchés se voit changé. Pour maintenir la valeur des contenus, des mesures de protection sont misent en place, pour réduire les copies, et donc de faire en sorte de réduire les avantages que permettent la technologie. Pour valoriser le contenu numérique les entreprises ont 3 types de stratégies :

  • La protection directe
  • La protection indirecte
    • Renouvellement fréquent des contenus : par les effets de modes pour rendre des biens éphémères.
    • La vente par ensemble cohérent : faire un produit avec plusieurs biens, soit des biens successifs dans une source homogène. Chaque bien séparé n’est pas très utile (c’est le cas des séries par exemple). En musique, c’est le fait d’offrir des produits globaux par abonnement ou par collection.
  • Le déplacement de la valeur du contenu
    • Vers des biens rivaux : le but est de lier un contenu libre à des biens rivaux utiles pour une consommation entièrement satisfaisante.
    • Vers les méta-informations : les biens culturels sont des expériences, et les contenus non rivaux, les méta-informations sont liées à un consommateur en particulier (recommandations personnalisées).

Pour les biens musicaux, l’offre et la demande dépendent d’un système complexe qui prépare leurs adaptations. Il y a 4 structures méta-informationnelles :

  • Star system : promotion par les médias de masse.
  • Push : pas de sélection liée à la promotion centralisée. C’est adapté au modèle de la mode, et ça passe aussi par les médias de masse (promotion d’œuvre par la diffusion répétée).
  • Pull structuré : la promotion est décentralisée, ça se fait par le bouche à oreille. 
  • Pull libre : les artistes peuvent entrer en contact direct avec le public, sans promotion centralisée (utopie ?). Ça permettrait plus de diversité.

Une œuvre musicale peut être considérée comme un bien de consommation, comme ceux qu’on trouve sur le marché, sauf que ça ne produit pas d’expérience. Une œuvre musicale peut aussi être considérée comme un bien social, qui demande des interactions sociales. Une œuvre musicale peut aussi être considérée comme un bien culturel, les producteurs s’estiment eux même comme les mieux placé pour les paramétrer de la production à la consommation.

La représentation que nous avons de ces œuvres nous empêche de juger correctement les évolutions techniques, juridiques ou économiques. Les labels et les studios voient les œuvres musicales comme des biens culturels. La variable de la représentation permet de voir chaque scénario, selon l’acteur. Si on considère que l’œuvre musicale est un bien social, elle est consommée parce que l’utilisateur mime ce que les autres font, ou s’en sert pour envoyer des signes. Le contenu des œuvres n’est donc pas important. En réalité, l’utilité de l’œuvre dépend de si les autres l’ont consommé, pour pouvoir en discuter avec d’autres personnes. Si on considère que l’œuvre musicale est un bien culturel, nous devons penser que les goûts des gens ne sont pas fixes. Le support numérique remplace progressivement le support physique. Le star system représente plus des trois quart du marché. On aurait donc 3 types de transitions :

  • Du star system au pull structuré : le modèle actuel des labels indépendants s’impose
  • Du star system au push : le marché est ouvert à tous mais dans le modèle push, peu d’artistes ont assez de promotion médiatique.
  • Du star system au pull libre : les maisons de disques disparaissent et sont remplacés par la décentralisation de la mise en relation entre artistes et public.

Ils décrivent plusieurs scénarios.

Scénario 1 : Hit and Run

Les acteurs tentent de maintenir le format physique des biens musicaux (CDs, vinyles, etc.), donc il y a répression du piratage, avec le renforcement des lois, avec des plus lourdes sanctions. Le changement de support vers le numérique se fait donc plus lentement. Le hit and run se réfère à la plateforme iTunes, avec des fichiers protégés donc très proche de la consommation de la musique de façon physique (donc limité).

La musique est vue comme un bien économique, avec des droits de propriété. Les fichiers ne peuvent pas être copiés ou échangés. La diversité des œuvres musicales proposées est moyenne. Les fichiers sont vendus à des plateformes sur internet et leur valeur se trouve donc dans les contenus protégés. Le contournement doit donc être strictement interdit et réprimé pour que ce système marche. L’offre répond à une demande pour minimiser les risques financiers. Le système de production, de diffusion et de promotion n’est pas favorable aux consommateurs ni aux artistes. Les consommateurs sont menacés de lourdes peines s’ils copient des fichiers, alors que la technologie est à portée de main (colère des consommateurs). Les artistes qui ne sont pas très connu veulent diffuser leur musique librement mais craignent de ne plus pouvoir prendre de profit si le succès arrive. Ça conduit à une baisse du marché en valeur et en volume :

  • Baisse du prix de la musique, on ne peut pas s’aligner à long terme entre les supports numériques et physique.
  • Passage d’achat par album à l’achat par titre (réduction des recettes mais pas de réduction des coûts de production).
  • Répression sévère du piratage qui produit des effets négatifs importants.

Scénario 2 : Jingle

Les acteurs considèrent qu’il ne faut pas punir le piratage, la musique est donc distribuée gratuitement et les revenus viennent d’autres marchés. La musique est vue comme un bien social, qui accompagne d’autres biens, et qui sert à leur promotion. Elle est consommée dans le but d’envoyer un signal d’appartenance à un groupe ou à une sous culture. La diversité est faible, mais elle peut se renouveler rapidement. Il faut distinguer le renouvellement des titres et celui des genres, qui lui est plus rare. La musique prend sa valeur dans la promotion par les médias de masse, dans les produits dérivés (sonnerie de téléphone portable) et dans les publicités. L’offre ne suit plus la demande. La promotion par les médias de masse fait que peu importe l’œuvre ou l’artiste, ça n’aura un succès qu’en fonction de la plus ou moins grande promotion qui en est fait. Il n’y a pas de goût ni de demande qui est pris en compte. Le système de production, de diffusion et de promotion est favorable aux consommateurs car les œuvres ne sont pas protégées. Les artistes et les labels pensent que les médias formatent les goûts et font la promotion de musique non qualitative. C’est donc défavorable aux artistes. Les médias de masses pourraient créer leur propre label ou site de commercialisation. Les majors et plateformes de distribution sont financés par la publicité. La musique est diffusée en continue et coupée par de la publicité (streaming gratuit).

La consommation de musique est dirigée par les médias de masse, donc les acteurs importants sont avantagés car ils ont une promotion efficace. Ils peuvent plus facilement négocier les contrats avec les partenaires des marchés dérivés. Les labels ont du mal à avoir des contrats justes et équitables. L’activité est par contre imprévisible car elle dépend d’autres marchés.

Scénario 3 : Happy Few

Les acteurs n’ont plus à s’appuyer sur les médias centralisés pour la promotion. La vente de fichiers protégés reste possible. La diversité de l’offre est plus élevée. On ajoute les recommandations par statistiques. La musique est vue comme un bien culturel à capital individuel. Les consommateurs choisissent les musiques et découvrent des œuvres innovantes, découvrent des genres nouveaux. Le contenu est payant, donc adressé à une minorité (ceux qui payent).

La diversité des œuvres est grande si les labels et distributeurs jouent le jeu. La diversité consommée est par contre plus basse à cause des prix.

Les nouvelles musiques sont testées et trouvent un public. Il peut y avoir une fracture dans le public, entre ceux qui payent et les autres. Ce scénario n’est pas défavorable aux consommateurs, ni aux artistes. Mais il n’est pas favorable non plus, c’est un compromis : il ne réprime pas les progrès technique mais n’en prend pas tous les avantages non plus. Il y a plus d’activité (en volume et en valeur) car il y a un équilibre entre l’offre et la demande. Mais le prix peut être dissuasif. Ça privilégie la recherche de talents. Les majors s’effondrent et les labels indépendants se regroupent.

Scénario 4 : Netlabel

La valeur est dans les procédés techniques qui permettent la circulation. La promotion décentralisée sur internet fait qu’on recherche des talents. Chaque artiste est financé par le partage des recettes des concerts. Le financement de la filière se fait par contribution des marchés d’accès. La musique est vue comme un bien culturel à capital social. Les consommateurs échanges sur les œuvres écoutés, ils sont dans la même communauté (réelle ou virtuelle) et se donnent des conseils. La valeur de la musique est dans la méta-information. Nous n’avons pas l’habitude de vendre les méta-informations car leur valeur dépend de l’objectivité des informations.

Les communautés peuvent faire remonter des informations sur la demande vers les labels et les artistes. Le système de production, de diffusion, et de promotion est favorable aux consommateurs et aux artistes. La réussite ou non de ce scénario dépend du rapport entre les diffuseurs et les consommateurs. Donc ça sera plus favorable aux consommateurs qu’aux artistes. Des petits labels coexistent ensemble. La recherche de talent est plus que nécessaire à cause de l’élargissement de l’offre. Les œuvres sont plus en lien avec les goûts des consommateurs, ce qui les incitera plus à payer, donc il y aura plus de marché dérivé.

Scénario 5 : Consumarist

Il n’y a plus beaucoup de différences entre les professionnels et les amateurs. On transforme totalement la façon de faire de la musique et de la consommer. La période de transition est longue et inconfortable pour arriver à ce scénario. La musique est vue comme un bien culturel contributif. Tout le monde peut citer les œuvres, les modifier et les réutiliser. « Les consommateurs ne sont pas tous des amateurs éclairé et tous les amateurs éclairé ne sont pas des artistes, mais tous ont un potentiel ». La diversité n’est pas vraiment plus élevée. Il y a une combinaison possible et disponible des œuvres, on peut composer comme on veut et les mettre à disposition de tous. 

Il y a une coévolution de la demande et de l’offre car la consommation et la production se confondent. Le système de production, de diffusion et de promotion est en faveur des consommateurs et des artistes. La réussite du scénario dépend de la façon de considérer la concurrence par les artistes (avec les artistes amateurs qui composent). Ça peut être défavorable aux artistes. L’activité augmente fortement. Les notions d’auteur et de propriété intellectuelle perdent leurs sens. Ça peut aboutir à des conflits d’intérêts si la loi sur la propriété intellectuelle n’évolue pas.

Conclusion

L’industrie de la musique est en pleine crise paradoxale. La vente de CD baisse depuis le début des années 2000, mais on a jamais autant écouté de musique. Les concerts attirent de plus en plus de monde. On consomme de plus en plus de musique et on la choisit mieux, en fonction de nos goûts. Les méta-informations sont de plus en plus riches et efficaces, on nous propose des œuvres qu’on ne connait pas, afin de les découvrir. Les coûts de production et de diffusion se sont écroulés grâce à l’arrivée des fichiers numériques. On sort doucement du droit d’auteur pour créer des nouvelles musiques à partir d’autres musiques. Les consommateurs contournent les interdictions. Les modèles d’affaire, la juridiction et les habitudes doivent évoluer pour continuer à faire du profit avec les techniques numériques, plutôt que de les voir comme des menaces. La valeur reposant sur les méta-informations, fait qu’il y a des problèmes : la récolte de cette valeur finance les plateformes et les contenus, mesure les audiences avec les méta-informations. 

Fiche de Lecture – Études de communication, vol. 49, no. 2, 2017 – Une histoire de machines à recommander des biens de consommation : de l’Internet documentaire à l’Internet des données

Pour alimenter mes recherches sur les pratiques d’écoute de la musique et plus particulièrement sur les recommandations sur la plateforme de streaming musical Spotify, étudier ce numéro de la revue Etude de Communication, intitulé Prescription et recommandation : agir et faire agir ? me semble intéressant.

Cet article sera une fiche de lecture (ou comme une liste de choses à retenir) de l’article Une histoire de machines à recommander des biens de consommation : de l’Internet documentaire à l’Internet des données du vol. 49, no. 2, 2017 de la revue Etude de communication, de Jean-Sébastien Vayre. Les éléments dans cet article qui sont mis en avant sont en rapport avec mon sujet d’étude qui porte sur l’utilisation des recommandations dans la pratique d’écoute de musique sur la plateforme Spotify.

Introduction

Pour automatiser de plus en plus la communication avec les clients, de plus en plus d’entreprises utilisent des dispositifs avec intelligence artificielle. Les systèmes de recommandation en font partie. Ce sont des systèmes qui traitent des données des consommateurs (celles produites lors de l’usage) pour savoir à l’avance les préférences et tendances et proposer des produits qui ont plus de chance de les intéresser. C’est considéré comme un dispositif de prescription car l’information est très présente et l’attention des consommateurs est limitée : cela les pousse à consommer.

Ces dispositifs à intelligence à artificielle créer des prescriptions de choix, donc en un sens artificielles, dont l’objectif est de structurer les choix des consommateurs pour « diminuer la charge attentionnelle qu’impliquent leurs activités de recherche d’information marchande ».

Pour la sociologie économique, les systèmes de recommandation peuvent être considérés:

  • Soit comme des façons de mettre en avant la participation des consommateurs pour qu’ils communiquent sur les offres de l’entreprise : les consommateurs contribue à la fabrication de la recommandation car se sont ses données d’usage qui sont utilisés par le système de recommandation. Les informations proposées sont ainsi des informations qui leur paraissent utiles et non imposées.
  • Soit comme des façon de faire travailler les consommateurs en exploitant économiquement leurs données d’usage : le but est de « produire de la valeur marchande pour les e-commerçants ».

« Comment les agents de recommandation font médiation entre l’offre et la demande ? » « Quelles sont les logiques de prescription des agents de recommandation numériques et comment ont-elles évolué dans le temps ? » « Comment les agents de recommandation à intelligence contextuelle (i.e., de troisième génération) performent des logiques de prescription qui sont plus flexibles que celles que mettent en action les agents à intelligences documentaire (i.e., de première génération) et sociale (i.e., de deuxième génération) ? » « Comment cette troisième génération d’agent constitue une parfaite manifestation des solutions contemporaines développées pour lever le paradoxe qui consiste à articuler les logiques d’industrialisation et de personnalisation de la communication marchande à l’ère du numérique ? »

1. L’histoire des agents de recommandation

Les trois types de systèmes de recommandation prescripteurs artificielles font référence à des technologies qui ont évolué avec le développement d’internet.

1. 1. Les agents de recommandation à intelligence documentaire

Les systèmes de recommandation de première génération sont basés sur une analyse de contenu et sur le web 1.0 (passif) qui lui se base sur la documentation (quelqu’un produit du contenu qui est affiché et consulté par d’autres personnes). C’est un échange d’information sous forme d’instruction car la personne qui consulte le contenu ne participe pas à sa production. Le web 1.0 peut être considéré comme une « gigantesque bibliothèque ».

Les systèmes de recommandation de première génération sont basés sur du filtrage de contenu par association item-to-item (Chartron et Kembellec, 2014).

Pour prendre l’exemple du e-commerce, les systèmes de recommandation de première génération recommandent aux consommateurs des produits en fonctions des informations qui caractérisent des biens similaires à ceux consultés.

1. 2. Les agents de recommandation à intelligence sociale

Les systèmes de recommandation de deuxième génération se basent eux sur une analyse qui s’associe au web 2.0 dit collaboratif (Ochi et al., 2010). La fonction documentaire est centrale et s’est améliorée avec le web 2.0 : les utilisateurs ne sont plus contraints à rester passifs mais contribuent à la production de contenu. Le principe de documentation n’est plus le seul principe, s’y ajoute celui de la communication (blogs, forums, réseaux sociaux, etc.). Internet devient un moyen d’expression, d’échange d’information, de partage. C’est aussi un moyen de mise en relation, de participation, de création.

Ces systèmes de recommandations sont construit sur le filtrage collaboratif, « principe de corrélation user-to-user » (Charton et Kembellec, 2014), qui consiste à proposer des contenus selon les évaluations d’autres personnes ayant des profils similaires. Ces évaluations peuvent être implicites (fréquence d’achat, etc.) ou explicite (note, like, etc.).

Le filtrage collaboratif ne se base pas uniquement sur les préférences déclarées par l’utilisateur, mais elles sont complétés par des données sociodémographiques. Théoriquement, ces données peuvent calculer les distances entre des utilisateurs.

1. 3. Les agents de recommandation à intelligence contextuelle

Les systèmes de recommandation de troisième génération se basent sur une analyse hybride : du filtrage de contenu mélangé à du filtrage collaboratif mais aussi aux « technologies sites de machine learning« . Cette génération renvoie au web 3.0 : web des données, web sémantique (Ochi et al., 2010). Cette version est encore en développement aujourd’hui. Le web 3.0 se base sur la documentation et la collaboration. On y ajoute la « servuction » (néologisme de Pierre Eiglier et Eric Langeard pour combiner le service, la production et permet de mettre en avant le fait que « les utilisateurs d’un service peuvent contribuer à sa production ») car avec les objets connectés, les sites consultés quotidiennement, l’utilisateur participe de façon non consciente et involontaire à la construction des services disponibles.

Le web 3.0 se base sur l’échange d’information, la coproduction. Avec l’intérêt grandissant porté sur les données, internet propose de plus en plus de services personnalisés où l’utilisateur produit tout en utilisant (Cardon, 2015).

Cette génération de système de recommandation se base sur le filtrage de contenu, le filtrage collaboratif ainsi que d’autres algorithmes. La diversité de technologies d’apprentissage artificiel qu’on à disposition les concepteurs leur permettent de donner du sens aux données qui avant ne paraissaient avoir aucune valeur. Ces technologies permettent aux systèmes de recommandation de traiter en temps réel (quasiment) un très grand nombre de donnée qui n’étaient pas exploitables avant.

Les systèmes de recommandation de troisième génération ont souvent une intelligence documentaire, sociale, contextuelle (Cardon, 2015 : grâce aux big data, les systèmes de recommandation de troisième génération peuvent prédire les comportements des utilisateurs de façon plus précise).

2. Deux agents de recommandation à intelligence contextuelle

Comment les intelligences des deux systèmes de recommandation contextuelle que sont DataCrawler et DataCognitive autorisent une prescription plus flexible que les systèmes de recommandation à intelligence documentaire ? Comment les systèmes de ces deux entreprises utilisent des logiques de prescription pour maximiser économiquement la recherche d’information des consommateurs tout en autorisant l’exploitation économique des données d’usage des clients ?

2. 1. L’agent de recommandation DataCrawler

Terrain d’enquête : une start up toulousaine spécialisée dans la conception d’outils informatiques pour le e-commerce. Elle propose :

  • un moteur de recherche
  • un agent de recommandation
  • un système de personnalisation de courriel pour les consommateurs

Le plus vendu, c’est l’agent de recommandation. Ce système de recommandation relève de la troisième génération et propose une articulation de 5 algorithmes :

  1. Filtrage de contenu (item-to-item)
  2. Filtrage collaboratif (user-to-user)
  3. Similarité fondé sur la rareté (conçu par l’entreprise) : analyse de contenu, descriptions, images pour « repérer les unités informationnelles » précises.
  4. Personnalisation (conçu par l’entreprise) : fonctionne comme le précédant, mais il se base plus sur la récurrence des actions des consommateurs, que sur la singularité du produit.
  5. Complémentaire : il met en corrélation le filtrage collaboratif, les similarités basées sur la rareté et la personnalisation. Il retient les produits qui ont le plus de probabilité, en fonction des trois algorithmes et « qui sont les moins similaires aux produits de référence ».

L’algorithme d’apprentissage hybride les cinq algorithmes. Il donne la meilleure combinaison possible, en fonction « du taux de conversion (transformation de visiteurs en acheteurs), du nombre de clic sur les recommandations et la durée de consultation de ces recommandations ».

2.2. L’agent de recommandation de DataCognitive

Terrain d’enquête : une start up toulousaine spécialisée dans l’informatique commerciale. Elle propose :

  • Une application de personnalisation de campagne de communication pour e-commerçant.
  • Une application de recommandation de produit
  • Une application pour réduire les abandons de panier
  • Une application de personnalisation de courriel

Le traitement de situation que cette start up créé est une architecture cognitive : « un système de traitement d’information qui associe une architecture cognitive ascendante et une architecture cognitive de type descendante ». Le système de traitement d’information se compose d’un concentrateur, d’un moteur d’inférence et d’une bibliothèque.

Ce système de traitement d’information est utilisé pour manipuler les données de navigations sur sites de e-commerce pour personnaliser l’expérience et suggérer des recommandations. La récupération de ces données permet la construction de schéma de connexion (ex : les personnes qui consultent les produits disques durs « ont tendance à cliquer sur les recommandations de housses de disques durs »).

La bibliothèque permet de communiquer : l’e-commerçant à le contrôle sur ce que la machine apprend et peut inverser le processus en lui donnant des connaissances pour cadrer les activités inférentielles. Le but du système est d’optimiser la performance.

2.3. De nouvelles logiques de prescription

Les systèmes de recommandations de première et deuxième génération forgent des façons de voir les choses vis à vis des possibilités de compréhension de l’organisation des marchés. Pour les systèmes à intelligence documentaire, pour proposer un bien ou service à un consommateur, il faut connaitre les caractéristiques d’un produit que le consommateur trouve intéressant pour lui en proposer des similaires. Pour les systèmes à intelligence sociale, pour proposer un bien ou service à un consommateur, il faut connaître les préférences des autres consommateurs qui ont des profils similaires.

Le système de DataCognitive ne se base pas sur l’hybridation d’algorithmes. Son architecture cognitive permet de mettre en avant des associations pour prédire les tendances.

Les systèmes de recommandation de troisième génération ont leur propre pouvoir de prescription.

Cela créer de nouvelles façons de faire participer les consommateurs car les systèmes font plus attention à la singularité des consommateurs. Les systèmes de DataCrawler et de DataCognitives sont conçus pour optimiser les ventes. Le but étant de donner de l’autonomie aux systèmes pour favoriser économiquement les e-commerçants. On pourrait tout aussi bien penser que les systèmes de recommandation ne servent pas à favoriser l’achat mais à « minimiser la désorientation« .

Les systèmes de recommandation ont deux fonctions : « favoriser la liberté des consommateurs » et « améliorer les performances économiques des e-commerçants ».

Conclusion

Les systèmes de recommandation sont des instruments libéraux qui ont pour objectif de guider les consommateurs et transmettent des logiques de prescription qui renvoient à deux types de représentations :

  • Celles sur la façon de prédire les tendances et préférences des consommateurs
  • Celles sur la façon d’instrumenter ces tendances pour satisfaire à la fois les demandeurs et les offreurs

Les systèmes de recommandation de première et deuxième génération permettent des paramètres de préférences rigides. Les systèmes de recommandation de troisième génération sont moins rigides car ils ont une capacité d’apprentissage pour adapter leurs recommandations en fonction des consommateurs. Cette intelligence est supervisée par les e-commerçants.

Les systèmes de recommandation ont de plus en plus tendance à avoir une nouvelle intelligence qui peut prendre différentes formes pour mettre en corrélation le travail et la participation des consommateurs. Les systèmes de recommandation sont capable d’apprendre à personnaliser la navigation pour les consommateurs. Mais le but reste toujours d’optimiser financièrement les entreprises qui utilisent ce système.

Commentaire d’entretien – Thomas (23/01/2019)

Thomas utilise principalement son téléphone pour écouter de la musique, en passant par Spotify en version payante. Il utilise également la radio, lorsqu’il est au travail, principalement pour avoir un fond sonore. YouTube, c’est pour quand il est chez lui, pour des raisons pratiques, car il faut laisser la page YouTube ouverte. 

Pour ce qui est des recommandations sur la plateforme Spotify, Thomas ne les suit que très rarement. Il créé lui même ses playlists. Les recommandations pour compléter ses playlists se font par la radio, au travail : ils se note les musiques à ajouter dans une playlist en particulier. Il lui arrive d’utiliser les recommandations sur Spotify, dans le sens où, avec les playlists toutes faite, par catégories, que Spotify propose, il découvre des nouvelles musiques et les met ensuite dans ses propres playlists. 

Au niveau des supports physiques, Thomas n’achète plus de CD, Vinyle. Thomas met plus de budget dans le spectacle vivant, de type concerts ou festivals, mais cela reste très occasionnel. Pour Thomas, le but d’un festival, c’est de découvrir des nouveaux artistes. La recommandation a plus de sens pour Thomas lorsqu’elle est envisagée dans le sens de découverte, sur des festivals, par exemple. Il prend pour exemple Petit Biscuit, qu’il a découvert en festival à ses tout début lorsque personne ne le connaissait. 

Au niveau du partage de la musique, Thomas ne la partage pas, sauf avec ses amis lors de moment spécifiques comme des soirées par exemple. Thomas ne partage pas non plus son profil Spotify, celui ci est en mode privé. 

Commentaire d’entretien – Violaine (11/01/2019)

Violaine ne fait pas qu’écouter de la musique, elle en pratique aussi (piano, chant, trombone, etc.). Elle prépare notamment un diplôme de chant lyrique au Conservatoire de Lille. 

Pour ce qui est de l’écoute de la musique, Violaine passe par YouTube, principalement, via son ordinateur ou son téléphone. Elle ne crée pas ses propres playlists, mais écoute des playlists créent par d’autre, sur recommandation de ses amis. Violaine utilise également Deezer, mais ce n’est que très rare, pour quelques artistes en particulier. 

Pour ce qui est des recommandations sur Deezer, Violaine ne les prend pas spécialement en compte et ne se laisse pas “guider par la plateforme”. Les propositions qui lui sont faite ne sont pas satisfaisantes. 

Pour ce qui est du spectacle vivant, Violaine a fréquenté beaucoup de salle de concert, en Bretagne et à Lille. Parmi ses pratiques d’écoute de la musique, la plus importante pour Violaine, c’est le spectacle vivant, la musique en direct. C’est celle qui lui prend le plus temps par rapport aux autres façons d’écouter de la musique. 

Par contre, Violaine n’a pas ressenti cet effet recommandation lors du festival Rock en Scène auquel elle est allée. 

Au niveau du partage de la musique, Violaine la partage surtout en direct, lorsqu’elle joue avec d’autres musiciens, surtout. Elle ne partage pas ces écoutes sur les réseaux sociaux, du moins, plus maintenant. Elle partage ses ressentis sur ce qu’elle écoute avec des personnes en particulier, des amis, de la famille, mais pas de façon publique. 

Au niveau des supports physiques, Violaine a une collection de CD, et pioche régulièrement aussi dans la collection de ses parents. Elle les écoute chez elle ou en voiture. Elle découvre des nouveautés via les casques à la FNAC, par exemple, dans des rayons de musiques peu connues. L’autre “méthode” est de se noter le nom de l’artiste qui pourrait potentiellement lui plaire, de rentrer chez elle et de l’écouter, pour ensuite, si gros coup de cœur, revenir l’acheter. 

Dans le cadre du Conservatoire, pour des raisons qui sont plus pédagogique, Violaine utilise drop box, qui sert de plateforme pour partager de la musique, utilisait notamment par ses professeurs. Elle utilise également des applications : Perfect Ear et Meludia, qui sont plus des instruments de travail que des outils pour écouter de la musique. 

Commentaire d’entretien – Audrey (15/01/2019)

Audrey écoute de la musique via Spotify, YouTube et la télévision, principalement. Elle passe par son téléphone connecté à une enceinte bluetooth, ou par les chaînes de télévisions directement. Elle utilise la version gratuite de Spotify, mais elle a déjà eu à un moment donné la version payante de Napster (qu’elle ne payait pas grâce à SFR). Les pubs dérangent, mais elle s’en accommode puisqu’elle ne paye pas, en retour. Elle ne crée pas spécialement de playlists, elle en sélectionne des déjà faite, notamment sur YouTube. 

En ce qui concerne les recommandations sur les plateformes, Audrey n’en a (quasiment) pas l’expérience. En tout cas, vis à vis de la musique, puisqu’elle utilise plutôt les recommandations sur YouTube pour, par exemple, des tutos, etc.

En ce qui concerne le partage de ce qu’elle écoute sur les plateformes, Audrey n’en a pas l’expérience non plus. Elle est plutôt dans le partage en direct, avec ses amis ou sa famille. Elle ne partage pas son expérience musicale sur les réseaux sociaux, par exemple. 

Pour ce qui est de la musique physique (CD, vinyles, etc.), Audrey n’en achète plus. Elle ne consacre plus de budget aux CD et autres supports physiques. 

Par contre, en ce qui concerne les concerts et festivals, Audrey à beaucoup de chose à dire. Si elle doit mettre une somme pour de la musique, c’est bien dans un festival, car elle n’y voit pas qu’un artiste, comme dans un concert, mais plusieurs, et peut ainsi découvrir des nouveautés, des nouveaux artistes, ou redécouvrir des artistes qu’elle connaissait déjà mais sous une autre facette. Pour elle, le rapport “qualité / prix” dans un festival est meilleur, par rapport à celui dans un concert.

Pour elle, les recommandations se font dans un festival. Les recommandations ont plus de sens pour elle en les assimilant à la découverte d’artiste sur un festival, en direct. Elle ne prête pas attention aux recommandations sur les plateformes, mais dans les festivals, elle aime découvrir et se voir recommander des artistes qu’elle ne connaissait pas avant. 

Pour Audrey, les festivals sont aussi le moyen de découvrir “en avant première” les artistes dans le sens où elle découvre des artistes pas très connu à ce moment précis, elle les apprécie, puis les voit ensuite devenir plus connu, d’une année à une autre. Pour elle, les festivals sont aussi, vis à vis des artistes, des tremplins vers la reconnaissance et la célébrité. Elle parle notamment d’exemples concrets, qu’elle a vécu : Skip the Use, Shaka Ponk et Hyphen Hyphen. Elle a connu ces trois groupes sur des « petites scènes », comme elle le dit, des Solidays, pour les voir quelques années ensuite sur les grandes scène et les entendre à la radio, etc. 

Pour elle les festivals sont très important pour se voir proposer des nouveaux artistes à écouter et aimer. Pour elle, se voir recommander des artistes, c’est même le but des festivals, c’est le “jeu”. 

Audrey “vend” le festival Solidays car elle trouve que c’est un des meilleurs, au niveau du rapport qualité / prix, parce qu’il est plus grand, qu’il n’est pas très cher, et que l’argent collecté n’est pas pour les artistes, mais pour le sidaction, donc pour la bonne cause, comme elle dit. 

Fiche de Lecture – Études de communication, vol. 49, no. 2, 2017 – La recommandation musicale entre inscriptions documentaires, pratiques sociales, et dispositifs d’écoute

Pour alimenter mes recherches sur les pratiques d’écoute de la musique et plus particulièrement sur les recommandations sur la plateforme de streaming musical Spotify, étudier ce numéro de la revue Etude de Communication, intitulé Prescription et recommandation : agir et faire agir ? me semble intéressant.

Cet article sera une fiche de lecture (ou comme une liste de choses à retenir) de l’article La recommandation musicale entre inscriptions documentaires, pratiques sociales, et dispositifs d’écoute du vol. 49, no. 2, 2017 de la revue Etude de communication, de Béatrice Micheau, Marie Després-Lonnet, et Dominique Cotte. Les éléments dans cet article qui sont mis en avant sont en rapport avec mon sujet d’étude qui porte sur l’utilisation des recommandations dans la pratique d’écoute de musique sur la plateforme Spotify.

 

Introduction

Les auteurs ont procédé à une enquête par :

  • Entretiens centrés sur les professionnels du secteur musical et le public amateur
  • Analyse des interfaces de diffusion de musique en ligne ainsi qu’une étude de leur modalités de recommandation
  • Observation puis échange sur les moments où les professionnels et amateurs utilisent ces dispositifs.

Les plateformes de streaming orientent les usagers dans leurs bases de données par la création d’entrées pour accéder au catalogue.

Pour les auteurs, la notion de texte est un élément qui lie les signes entre eux pour créer un énoncé pour le langage mais aussi pour toute autre matière d’expression (image et son, par exemple).

Leur problématique est donc la suivante : Est-ce que “le numérique serait partie prenante de nouvelles articulations entre dispositif d’écoute et disposition culturelle (Maisonneuve, 2007), particulièrement lorsqu’il s’agit des dispositifs d’écoute en ligne mettant en œuvre des systèmes de recommandation s’appuyant sur des écritures documentaires et une rhétorique visuelle » ?

1. Présentation du projet

Les auteurs portent un intérêt aux écritures documentaires mises en réseau pour la création des modalités de recommandation : il y a une prise en compte des pratiques sociales d’écoute et de partage de la musique mais aussi une prise en compte du contexte de production de ces données. Il y a possibilité de transposer des opérations socio-techno-sémiotique des recommandations qui sont à la base une technique.

La recommandation est donc une proposition de parcours possible, qui se base sur des métadonnées et les liens qu’ils y a entre elles. La recommandation se base aussi sur les traces des pratiques d’écoute (chaînes, collections, playlists, commentaires et annotations).

2. Les pratiques sociales d’écoute et de partage de la musique (numérique)

Les auteurs nous parlent des premiers résultats suite aux entretiens : ils (les entretiens) confirment que les pratiques d’écoute, hors concert sont, en France, de plus en plus numérique, même si la radio reste permanente et qu’il y a une tendance au retour au vinyle.

Les pratiques d’écoute et de partage de musique ont plusieurs unités : le morceau, la vidéo (clip ou enregistrement live), l’album, la playlist, la collection. Lors de l’acquisition de morceaux, les utilisateurs vont plus naturellement vers la gratuité, avec le téléchargement illégal ou la conversion depuis YouTube. Il y a aussi une tolérance envers les nuisances publicitaires dû à l’accès gratuit de certains sites de streaming.

2.1. Pratiques d’écoute (numériques)

La pratique sportive de certains enquêtés montre que certaines personnes privilégient l’adaptabilité du rythme de la musique en fonction de l’exercice et se contentent d’une qualité sonore mobile (fichiers compressés, reçu via écouteur et smartphone), qui peut être très mauvaise.

Le choix de la « bonne » musique, avec le « bon » rythme pour sa propre pratique sportive, son trajet ou sa concentration dans les études ou travail est hétérogène et associé à des sensations, sentiments et imaginaires qui sont très différents d’une personne à une autre.

Chez les plus jeunes de leurs enquêtés, la musique numérique est indissociable de la notion de mobilité (transport), des différents temps de la journée.

2.2. Les playlists et les sociabilités musicales : du stock à la collection

Avec l’essor du numérique, qui permet de dissocier les morceaux des albums, les collections musicales se font de plus en plus sous forme de playlists. Elles permettent de stocker, de partager, et d’afficher ses goûts. Cette pratique est surtout visible chez les adolescents.

Les playlists peuvent être organisées par moment d’écoute, genre ou en vrac par compulsion de l’accumulation. Elles sont représentatives des goûts de chacun.

2.3. Des partages aux recommandations

L’échange de la musique se vit dans le cercle familiale mais surtout amicale (importance notable à ce dernier) : les moments sociaux avec les amis sont des moments de découverte, d’échange, de commentaire.

Les enquêtés mettent souvent en avant une ou plusieurs personnes de référence qui leur font découvrir des nouveaux morceaux. Aussi bien dans le cercle familiale qu’amicale, des affinités musicales et des figures d’expertises ressortent donc.

3. Les dispositifs en ligne entre écriture documentaire et rhétorique du sensible 

3.1. YouTube, des pratiques de l’archive

D’après les entretiens avec les enquêtés, la recommandation est vue comme une pratique qui fait entièrement partie de l’écoute, mais ils considèrent surtout comme recommandation les échanges avec les amis, la fratrie, dans certains lieux. Les enquêtés font beaucoup moins référence aux algorithmes des dispositifs de diffusion en ligne lorsqu’ils parlent de recommandations.

Pour les enquêtés, YouTube est le site qui propose une expérience musicale la plus proche de leurs pratiques : la construction collective, des moments sensibles à partager. Sur YouTube, les enquêtés sont sûrs de trouver des raretés, tout en écoutant un flux de musique et tout en faisant des découvertes.

Les traces d’un concert sont retrouvable sur YouTube, grâce aux vidéos posté par les autres utilisateurs ou lui même. L’utilisateur pourra créer un enchaînement de clips ou de morceaux avec pour image statique le visuel du CD ou du vinyle ou les titres, et dans le déroulé de la vidéo ajouter les marqueurs de durée des différentes pistes et ainsi, reconstituer une sensation d’album.

Malgré le fait que YouTube ne soit pas parfait (erreurs dans les paroles, fragmentation, mauvaise qualité visuelle et sonore, etc.), il reste un moyen de mémoire et créé des manières de partager de la musique collectivement.

YouTube est aussi un lieu de débat, de comparaison, sur tout type de choses (interprètes, orchestres, concerts, enregistrements, transcription, salles, institutions médiatrices, festivals, etc.), grâce aux commentaires.

3.2. Une politique des affects et des goûts

Les plateformes de streaming supposent que les utilisateurs donnent à leurs affects (Gregg et Seigworth, 2010) ou leurs goûts « supposés » la même importance que leurs actes.

Comment le fait de créer des collections composées d’albums ou de morceaux qui font eux même partie de catégories ou de listes, montre une similarité des écoutes entre les usagers, alors que ces plateformes font en sorte que chaque usager fabrique son propre profil ?

3.3. Les écritures documentaires

Alors que les recommandations sur Deezer, Spotify et YouTube, s’appuient majoritairement sur des écritures documentaires, ils utilisent des systèmes hybrides (métadonnées,  indexation, contributions des utilisateurs).

Les plateformes qui utilisent des recommandations s’appuient sur les écritures documentaire qui comprennent : la référence, la catégorie, la relation.

Alors que dans l’écoute, il y a beaucoup moins cette intentionnalité supposée et plus de goût de l’exploration et de la découverte. Les systèmes de recommandation considèrent que pour des pratiques d’écoute similaires, il y aurait des goûts et des désirs similaires. C’est pour cette raison que les enquêtes sur le sujet sont souvent critique : à cause de la proposition de morceaux identiques aux profils d’écoute déjà renseigné. La plupart de ces personnes considère les recommandations comme un outil commercial et s’en méfient, même quand ils reconnaissent que les propositions sont pertinentes.

Conclusion

Les systèmes de recommandations sont donc des outils utilisés en faveur des logiques industrielles et commerciales.

Pourtant, la recommandation est vécue avec confiance dans « l’expérience, la fabrique, la mémoire, le partage de parcours musicaux, dans des situations d’écoute, dans des rencontres entre auditeurs, ou entre auditeurs et médiateurs, bref, dans le partage de l’expérience« .

Les propositions sont, pour la plupart des enquêtés, satisfaisantes, mais ils s’en méfient à cause de la logique commerciale. Ils dénoncent ainsi les algorithmes et leurs tendance, non pas à élargir les possibilités mais plutôt à les restreindre.

Fiche de Lecture – Études de communication, vol. 49, no. 2, 2017 – Le glissement de la prescription dans les plateformes de recommandation

Pour alimenter mes recherches sur les pratiques d’écoute de la musique et plus particulièrement sur les recommandations sur la plateforme de streaming musical Spotify, étudier ce numéro de la revue Etude de Communication, intitulé Prescription et recommandation : agir et faire agir ? me semble intéressant.

Cet article sera une fiche de lecture (ou comme une liste de choses à retenir) de l’article Le glissement de la prescription dans les plateformes de recommandation du vol. 49, no. 2, 2017 de la revue Etude de communication, de Françoise Paquienséguy. Les éléments dans cet article qui sont mis en avant sont en rapport avec mon sujet d’étude qui porte sur l’utilisation des recommandations dans la pratique d’écoute de musique sur la plateforme Spotify.

 

Introduction

Les systèmes de recommandation font de plus en plus partie des usages dans l’environnement culturel mais aussi dans l’environnement de consommation de l’usager.

L’usage prescrit concerne deux registres :

  • Le registre de la recommandation de l’opérateur (constructeur) qui en détermine les contours de la « bonne pratique » quant au système.
  • Le registre des attentes des autres acteurs (marketing, production de service, fournisseurs de contenu) qui suggèrent des pratiques spécifiques aux usagers.

Les systèmes de recommandations favorisent, invitent, les différents acteurs à produire et partager selon les différentes formes de prescription. Ces fonctionnalités devenu familière (créer un compte, partager, évaluer, etc.) sont des formes de prescriptions d’usage, plus ou moins perçues comme telle par le destinataire. Certaines de ses fonctionnalités illustrent l’usage quotidien du dispositif (Bonu et Charnet, 2006) (ex : la gestion de son profil).

Le terme « usage » est utilisé à la fois dans les travaux scientifiques depuis plusieurs dizaines d’années pour en distinguer les contours ou le comprendre. Il est aussi utilisé dans les discours d’accompagnement ou encore dans les discours de politiques publiques. Le terme « usage » est souvent, soit un argument, soit un objectif, immatériel, utilisé la plupart du temps pour parler de technologies instables. Les « usages » sont malmenés, et surtout les « usages prescrits », qui eux, ont disparus des études, ou ont été remplacé par des travaux sur la prescription elle même, ou par des études sur les recommandations.

Françoise Paquienséguy s’appuie sur une enquête sur la plateforme de recommandation culturelle SensCritique entre 2014 et 2016 pour la rédaction de cet article.

1. Les deux faces de la prescription : techno-sociale

1.1. La dispersion de la fonction centrale

Les TICN (Technologies de l’Information et de la Communication Numérique) sont multifonctions et connectés et n’ont plus une seule fonction centrale (sauf la connexion au réseau, pour ensuite être multifonction). Les TICN sont multifonctions et c’est dû à leur transformation techniques profonde et massive. Elles sont ainsi devenu polyvalentes.

Le fait que les pratiques de consommation culturelles sont de plus en plus individuelles provoque un éclatement de l’offre qui devient généraliste voir mainstream (qui plait à tout le monde). Sur les plateformes de streaming, plusieurs communautés différentes y trouvent leur compte. Françoise Paquienséguy prend l’exemple ici de SensCritique. Elle reprend les propos d’un des co-fondateur de SensCritique : « il est difficile de raisonner en terme de centres d’intérêt car c’est [SensCritique] une agrégation de plusieurs communautés (cinéphiles, amateurs de séries, passionnés de comics) ».

SensCritique cumule plusieurs univers (films, séries, livres, etc.), c’est pour cela qu’on peut qualifier cette plateforme de recommandation comme étant un « lieu d’usage divers et personnalisés », et moins un lieu de prescription d’usage. L’objectif apparent de SensCritique serait donc de mettre à la disposition des utilisateurs des services gratuits, qui peuvent évoluer selon les caractéristiques spécifiques d’un usager « hyperconnecté, multi-appartenant, hypermoderne et adepte de l’idéologie participative du ‘web 2.0’ (Rifkin, Rosa et Lipotvetsky) ». Ces caractéristiques sont présentes chez les membres de SensCritique puisque « 90% ont moins de 35 ans et 60% sont des hommes ».

1.2. Le lien entre fonction(s) centrale(s) et place(s) de l’usager

La fonction central des TICN est dispersé mais n’a pas pour autant disparue. Au contraire, elle se démultiplie. En effet, une plateforme de recommandation permet d’effectuer plusieurs type d’action qui ont leur spécificités (selon les univers : livre, séries, etc.). En multipliant les services proposés, les façons d’utiliser la plateforme se diversifient, et ainsi, les usages se diversifient.

Les trois fonctionnalités de la page d’accueil « Découvrez, Notez, Partagez » sont différentes façons de s’approprier la plateforme, autour de trois statuts d’usager (respectivement Membres, Membres actifs et Leaders). Ces trois catégories d’usagers sont toutes indispensables au fonctionnement économique d’une plateforme de recommandation à deux versants. La plateforme de recommandation devient une plateforme d’intermédiation (Sonnac, 2013).

Les plateformes d’intermédiation ne font pas dans la vente de biens culturels mais peuvent être qualifiées de plateforme « audience-builders » (Evans et Schmalensee, 2007). Le but de ce type de plateforme est premièrement de se constituer une audience, qui constituera le « premier élément monétisable » et sera aussi un groupe d’agent. L’usager doit ainsi se déclarer membre de la plateforme par son inscription, pour la découvrir. Pour identifier les tendances et les goûts et attirer des membres supplémentaires, la plateforme à besoin d’information de type notes, critiques, etc. La plateforme attend donc de l’usager qu’il devienne producteur d’information, à divers degrés d’implication.

Si un membre se révèle être un « expert » et a une certaine notoriété, il devient ainsi leader d’opinion, « éclaireur » (il note et partage). Pour ce qui est des membres qui se contentent de noter de temps en temps, ne sont pas présents de façon régulière, et peu actif (ils sont la base de l’audience et ont le statut minimal de membre). Les 3 statut ne peuvent pas être cumulés et sont une fonction central de la plateforme.

Pour résumer :

  • Les membres sont l’audience
  • Les membres actifs notent, badgent, etc. (ils nourrissent la plateforme)
  • Les éclaireurs permettent d’identifier des tendances par la production de contenu (posts)

Ces trois catégories d’usagers représentent les trois catégories d’acteurs de l’innovation sociale selon Paul Leadbeater et Charles Miller (2004) :

  • Le premier, central, est le « noyau restreint d’innovateurs ». Ce sont les premiers leaders de SensCritique. Les fondateurs de SensCritique, anciens propriétaires d’une revue de jeux vidéo Gamekult ont été suivit par ses lecteurs passionnés pour former ce noyau d’innovateurs.
  • Le deuxième, intermédiaire, est « la nébuleuse des contributeurs ». Ce sont les éclaireurs arrivés par la suite. Ils contribuent à donner de la consistance et de la force au projet en mobilisant leur entourage.
  • Le troisième, périphérique, est « le cercle des réformateurs ». Ce sont les membres actifs qui permettent une stabilité à l’innovation

Pour devenir éclaireur, il faut poster 200 commentaires minimum et ensuite maintenir un certain niveau d’activité pour le rester. Chaque catégorie d’acteur à ainsi ses prescriptions plus ou moins lourdes.

2. Le poids et la place de la technique dans l’usage : de la prescription à l’injonction

2.1. La place des métriques

Les métriques sont les propriétés techniques et fonctionnelles de la plateforme et dépendent des objectifs de son modèle économique. Exemples de propriétés techniques et fonctionnelles : donner un badge, suivre un éclaireur, etc. Produire et traiter des données, pour ensuite associer les propriétés entre elles permet de constituer une métrique.

Une métrique doit être stratégique : les propriétés utilisées doivent être pertinentes (exemple : est-ce que la fonctionnalité liker est pertinente ?). Chaque métrique doit être mise en relation avec d’autres (exemple : un utilisateur peut ne pas mettre de like mais poster un commentaire, c’est une autre forme d’activité et d’engagement).

Il y a deux caractéristiques structurantes des plateformes de recommandation :

  • « Les métriques accompagnent le modèle économique développé ». Les plateformes de recommandations vendent aux annonceurs et aux agences des tendances construites sur une base de données que constituent les membres.
  • Les métriques ne fonctionnent que si les fonctionnalités (commenter, noter, suivre, etc.) et les propriétés (être membre, devenir éclaireurs) sont attrayantes pour les usagers.

2.2. La recommandation pensée comme un modèle économique

La plateforme attend de l’usager qu’il alimente la plateforme et fasse fonctionner les outils. L’usager à pour fonction de produire un « normalized » digital labor (Whitley et Ali, 2010 ; Casilli, 2016) pour la plateforme. Le modèle de SensCritique est assez bien vérifié pour que les fondateurs fassent en sorte de ne pas tenir de ligne éditoriale et laissent les membres s’en chargé (après modération).

La plateforme propose deux types de services :

  • Des services liés à la recommandation, sur deux niveaux :
    • Donner son avis sur un produit culturel
    • Donner son avis sur l’avis d’un autre membre
  • Des services liés à la constitution d’une mémoire : avoir son propre espace personnel qui sert de Cloud.

Le marketing Cloud, c’est le fait de « filtrer et segmenter d’après n’importe quel critère » les données que fournit l’internaute. La plateforme attend du membre qu’il agisse et donc qu’il produise des données.

3. Les formes calculées et computationnelles de la prescription d’usages

3.1. L’algorithmie et les profils

Les marchés à deux versants mettent en avant « la gratuité ‘offerte' ». Ici, la fonction centrale se situe au niveau de l’intermédiation.

Il y a deux catégories de métriques communes aux plateformes de recommandation:

  • Les métriques de routine. C’est l’exploitation des données fournies par les utilisateurs et membres. C’est le fait de s’inscrire, de s’identifier, de renseigner son profil, etc. C’est aussi le « premier niveau de prescription d’usage : être reconnu avant de pouvoir agir sur la plateforme ».
  • Les métriques fonctionnelles. Ce sont les services optionnels (exemple : archiver, faire une liste, etc.). Le gestionnaire de la plateforme peut ainsi manipuler, quantifier et spécifier son audience pour mieux choisir l’offre mise à disposition, monétiser les données et identifier les tendances.

Les données sont toujours quantitatives et peuvent être calculées, selon des statistiques et des probabilités. Les données récoltées et traitées sous forme de statistiques sont des ressources pour leur computation. C’est une fonction qui est central car elle permet d’identifier des tendances, des récurrences, grâce à « des opérations d’association (conjonction, inclusion, identification) et de séparation (disjonction, opposition, exclusion) » (Morin, 1986).

Les membres les plus notoires créent une partie de l’identité de la plateforme. Ils ne sont que des « fournisseurs de données » de qualité et régulier, qui font que la plateforme devient rentable.

Pour fonctionner, la plateforme a besoin des données quantitatives que fournie l’audience. Pour étendre son « emprise prescriptive », la plateforme va se déployer également sur les médias et réseaux sociaux tel que Twitter, Facebook et Instagram.

3.2. Les catégories de prescripteurs

  • Première catégorie de prescripteur : l’offre industrielle
  • Deuxième catégorie de prescripteur : les leaders d’opinions identifiés par le label « éclaireur » et l’obtention d’un badge spécifique.
  • Troisième catégorie de prescripteurs : l’auto prescription indirecte . C’est la ré exploitation des données produites par les utilisateurs pour paramétrer, cibler et personnaliser l’offre. Les plateformes de recommandations fonctionnent ainsi comme une « chambre d’écho » (Scruggs, 1998), avec une amplification et une répétition des informations.

Le fait de récolter des informations en permanence, de les traiter, etc. engendre des « échanges non-marchands à but lucratif » (Dujarier, 2016). Le but est de souligner le fait que l’utilisateur actif est « esclave », producteur, « pris au piège d’un modèle économique qui mise tout sur lui ».

Conclusion

Il n’y a plus d’usage prescrit comme avant, dans les entreprises ou administration (or intranet, etc.). L’hypothèse finale de Françoise Paquienséguy est de dire que la prescription industrielle est plus autonome et discrète mais aussi plus présente et plus puissante, avec de nouveaux usages prescrits.