Fiche de Lecture – Études de communication, vol. 49, no. 2, 2017 – La recommandation musicale entre inscriptions documentaires, pratiques sociales, et dispositifs d’écoute

Pour alimenter mes recherches sur les pratiques d’écoute de la musique et plus particulièrement sur les recommandations sur la plateforme de streaming musical Spotify, étudier ce numéro de la revue Etude de Communication, intitulé Prescription et recommandation : agir et faire agir ? me semble intéressant.

Cet article sera une fiche de lecture (ou comme une liste de choses à retenir) de l’article La recommandation musicale entre inscriptions documentaires, pratiques sociales, et dispositifs d’écoute du vol. 49, no. 2, 2017 de la revue Etude de communication, de Béatrice Micheau, Marie Després-Lonnet, et Dominique Cotte. Les éléments dans cet article qui sont mis en avant sont en rapport avec mon sujet d’étude qui porte sur l’utilisation des recommandations dans la pratique d’écoute de musique sur la plateforme Spotify.

 

Introduction

Les auteurs ont procédé à une enquête par :

  • Entretiens centrés sur les professionnels du secteur musical et le public amateur
  • Analyse des interfaces de diffusion de musique en ligne ainsi qu’une étude de leur modalités de recommandation
  • Observation puis échange sur les moments où les professionnels et amateurs utilisent ces dispositifs.

Les plateformes de streaming orientent les usagers dans leurs bases de données par la création d’entrées pour accéder au catalogue.

Pour les auteurs, la notion de texte est un élément qui lie les signes entre eux pour créer un énoncé pour le langage mais aussi pour toute autre matière d’expression (image et son, par exemple).

Leur problématique est donc la suivante : Est-ce que “le numérique serait partie prenante de nouvelles articulations entre dispositif d’écoute et disposition culturelle (Maisonneuve, 2007), particulièrement lorsqu’il s’agit des dispositifs d’écoute en ligne mettant en œuvre des systèmes de recommandation s’appuyant sur des écritures documentaires et une rhétorique visuelle » ?

1. Présentation du projet

Les auteurs portent un intérêt aux écritures documentaires mises en réseau pour la création des modalités de recommandation : il y a une prise en compte des pratiques sociales d’écoute et de partage de la musique mais aussi une prise en compte du contexte de production de ces données. Il y a possibilité de transposer des opérations socio-techno-sémiotique des recommandations qui sont à la base une technique.

La recommandation est donc une proposition de parcours possible, qui se base sur des métadonnées et les liens qu’ils y a entre elles. La recommandation se base aussi sur les traces des pratiques d’écoute (chaînes, collections, playlists, commentaires et annotations).

2. Les pratiques sociales d’écoute et de partage de la musique (numérique)

Les auteurs nous parlent des premiers résultats suite aux entretiens : ils (les entretiens) confirment que les pratiques d’écoute, hors concert sont, en France, de plus en plus numérique, même si la radio reste permanente et qu’il y a une tendance au retour au vinyle.

Les pratiques d’écoute et de partage de musique ont plusieurs unités : le morceau, la vidéo (clip ou enregistrement live), l’album, la playlist, la collection. Lors de l’acquisition de morceaux, les utilisateurs vont plus naturellement vers la gratuité, avec le téléchargement illégal ou la conversion depuis YouTube. Il y a aussi une tolérance envers les nuisances publicitaires dû à l’accès gratuit de certains sites de streaming.

2.1. Pratiques d’écoute (numériques)

La pratique sportive de certains enquêtés montre que certaines personnes privilégient l’adaptabilité du rythme de la musique en fonction de l’exercice et se contentent d’une qualité sonore mobile (fichiers compressés, reçu via écouteur et smartphone), qui peut être très mauvaise.

Le choix de la « bonne » musique, avec le « bon » rythme pour sa propre pratique sportive, son trajet ou sa concentration dans les études ou travail est hétérogène et associé à des sensations, sentiments et imaginaires qui sont très différents d’une personne à une autre.

Chez les plus jeunes de leurs enquêtés, la musique numérique est indissociable de la notion de mobilité (transport), des différents temps de la journée.

2.2. Les playlists et les sociabilités musicales : du stock à la collection

Avec l’essor du numérique, qui permet de dissocier les morceaux des albums, les collections musicales se font de plus en plus sous forme de playlists. Elles permettent de stocker, de partager, et d’afficher ses goûts. Cette pratique est surtout visible chez les adolescents.

Les playlists peuvent être organisées par moment d’écoute, genre ou en vrac par compulsion de l’accumulation. Elles sont représentatives des goûts de chacun.

2.3. Des partages aux recommandations

L’échange de la musique se vit dans le cercle familiale mais surtout amicale (importance notable à ce dernier) : les moments sociaux avec les amis sont des moments de découverte, d’échange, de commentaire.

Les enquêtés mettent souvent en avant une ou plusieurs personnes de référence qui leur font découvrir des nouveaux morceaux. Aussi bien dans le cercle familiale qu’amicale, des affinités musicales et des figures d’expertises ressortent donc.

3. Les dispositifs en ligne entre écriture documentaire et rhétorique du sensible 

3.1. YouTube, des pratiques de l’archive

D’après les entretiens avec les enquêtés, la recommandation est vue comme une pratique qui fait entièrement partie de l’écoute, mais ils considèrent surtout comme recommandation les échanges avec les amis, la fratrie, dans certains lieux. Les enquêtés font beaucoup moins référence aux algorithmes des dispositifs de diffusion en ligne lorsqu’ils parlent de recommandations.

Pour les enquêtés, YouTube est le site qui propose une expérience musicale la plus proche de leurs pratiques : la construction collective, des moments sensibles à partager. Sur YouTube, les enquêtés sont sûrs de trouver des raretés, tout en écoutant un flux de musique et tout en faisant des découvertes.

Les traces d’un concert sont retrouvable sur YouTube, grâce aux vidéos posté par les autres utilisateurs ou lui même. L’utilisateur pourra créer un enchaînement de clips ou de morceaux avec pour image statique le visuel du CD ou du vinyle ou les titres, et dans le déroulé de la vidéo ajouter les marqueurs de durée des différentes pistes et ainsi, reconstituer une sensation d’album.

Malgré le fait que YouTube ne soit pas parfait (erreurs dans les paroles, fragmentation, mauvaise qualité visuelle et sonore, etc.), il reste un moyen de mémoire et créé des manières de partager de la musique collectivement.

YouTube est aussi un lieu de débat, de comparaison, sur tout type de choses (interprètes, orchestres, concerts, enregistrements, transcription, salles, institutions médiatrices, festivals, etc.), grâce aux commentaires.

3.2. Une politique des affects et des goûts

Les plateformes de streaming supposent que les utilisateurs donnent à leurs affects (Gregg et Seigworth, 2010) ou leurs goûts « supposés » la même importance que leurs actes.

Comment le fait de créer des collections composées d’albums ou de morceaux qui font eux même partie de catégories ou de listes, montre une similarité des écoutes entre les usagers, alors que ces plateformes font en sorte que chaque usager fabrique son propre profil ?

3.3. Les écritures documentaires

Alors que les recommandations sur Deezer, Spotify et YouTube, s’appuient majoritairement sur des écritures documentaires, ils utilisent des systèmes hybrides (métadonnées,  indexation, contributions des utilisateurs).

Les plateformes qui utilisent des recommandations s’appuient sur les écritures documentaire qui comprennent : la référence, la catégorie, la relation.

Alors que dans l’écoute, il y a beaucoup moins cette intentionnalité supposée et plus de goût de l’exploration et de la découverte. Les systèmes de recommandation considèrent que pour des pratiques d’écoute similaires, il y aurait des goûts et des désirs similaires. C’est pour cette raison que les enquêtes sur le sujet sont souvent critique : à cause de la proposition de morceaux identiques aux profils d’écoute déjà renseigné. La plupart de ces personnes considère les recommandations comme un outil commercial et s’en méfient, même quand ils reconnaissent que les propositions sont pertinentes.

Conclusion

Les systèmes de recommandations sont donc des outils utilisés en faveur des logiques industrielles et commerciales.

Pourtant, la recommandation est vécue avec confiance dans « l’expérience, la fabrique, la mémoire, le partage de parcours musicaux, dans des situations d’écoute, dans des rencontres entre auditeurs, ou entre auditeurs et médiateurs, bref, dans le partage de l’expérience« .

Les propositions sont, pour la plupart des enquêtés, satisfaisantes, mais ils s’en méfient à cause de la logique commerciale. Ils dénoncent ainsi les algorithmes et leurs tendance, non pas à élargir les possibilités mais plutôt à les restreindre.

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